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Le naufrage

Le naufrage

Douarnenez01

Dans le ciel argenté descend une clarté
Par la lune bleutée quelque peu estompée.
C'est un ange lointain qui, du ciel, alerté,
Vient apporter ici le secours espéré

Au navire perdu, si longtemps ballotté,
Par des forces obscures soudain déchaînées, 
Sur les flots démontés, à présent apaisés,
Tout de noir revêtus par la sombre nuitée.

Ils sont trente étendus sur le Trois-Mâts brisé,
Trente hommes apuisés après la longue lutte
Contre l'onde en furie, Eole courroucé.
Le navire à présent vogue seul et sans but...


Sur l'azur apiasant d'une mer repentante,
Consolée par l'éclat d'un soleil malicieux.
Qui joue sur le visage du jeune Guérante.

Bientôt le petit mousse enfin ouvre le yeux,
Et dans un cri de joie il appelle les Trente :
"Terre !"

Krystyna

 

 

Les passions humaines

 

Les Passions humaines

 

Pecherie 02

 

Chantre de l’âme humaine, le poète ressent

Plus fortement qu’un autre tous les sentiments

Planant autour de lui, et comme un nouveau-né,

Ces différents courants l’infiltrent, le pénètrent,

Se mêlent en son for intérieur passionné,

Forment un ouragan qui secoue tout son être.

Il en sort affaibli et tout déboussolé,

Et doit se retirer en son lointain désert

Et rejoindre la nuit de l’intériorité,

Fixer dans le lointain un tout nouvel amer,

Enfin réorienter sa barque malmenée,

Et retrouver la paix sur la mer apaisée.

 

Krystyna

 

Sur la digue

 

Sur la digue

 

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Mes pensées roulent dans ma tête

Comme les vagues sur la digue.

Pour la journée me voici prête,

Mais l’écume il faut que j’endigue.

 

La fraîche brise de la joie

Chante doucement près de moi,

Mais aussi l’entêtant murmure

De l’eau que j’entends dessous moi,

Sous les rochers qui se fissurent.

 

Oui, mais pourquoi ? Oui mais comment ?

Et si jamais ? Et si pourtant ?

Allons, allons, viens te poser,

Sous le soleil viens te chauffer,

Oui, viens ton âme reposer.

Laisse le sac te dorloter

Et le ressac emportera

Avec lui tout ce désarroi.

 

Krystyna

 

Arthur

 

Arthur 

Henri fantin latour arthur rimbaud 1872

Dément tournoiement

Cercle délirant

Spirale infinie

Complet déploiement

Où tout cela finit ?

Sera-ce au firmament ?

Ou chez le grand dément ?

Il est parti si tôt

Il avait tout écrit

Et moi qui reste ici

Me rappelant de lui

Me rappelant à lui

Lui qui m’a tout appris

Je me sens si petit.

 

Krystyna

 

Les heures de la nuit

Les heures de la nuit

 

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Certains soirs, quand je veille tard

J'entends le murmur' de la mer

Adoucissant ces jours sévères.

Au loin, là-bas, brille le phare.

Elle vient doucement à moi,

Roulant son écume d'ivoire,

Elle s'éloigne chaque fois

Et se retire dans le noir.

 

Couchée dans mon lit sous le toit

Prolongeant ces heures du soir

Je sens se réveiller en moi

L'âme du poète aux abois.

 

Quand larguerai-je les amarres,

Libérant ces vagues d'espoir,

Ces talents qui en moi sommeillent

Tandis que mon âme encor veille ?

 

Oui, croire en moi, que ne le puis-je

Tandis que tout mon corps s'épuise

Ce souffle semblant me quitter

Et si, pourtant, il m'habitait ?

 

Apaise-toi, mon âme, car

En un jour peut-être prochain,

Ou bien en un lointain matin,

Tu parleras à cœur ouvert.

 

Krystyna

 

Mes chevaux de bois

Mes chevaux de bois

 

Manege enchante 3

Comment ça,

Ca ne quitte jamais le manège,

Un cheval de bois ?

Et qu’en savez-vous, s’il-vous-plaît,

Monsieur le Sermonneur ?

Savez-vous ce qu’il fait, la nuit,

Tandis que vous dormez ?

Car, avouez-le, il vous arrive encore

De dormir, non ?

Et même de rêver, avouez…

Alors donnez-moi la preuve,

La preuve flagrante,

La preuve formelle,

La preuve absolue,

Oui, la preuve des preuves,

Que ces chevaux-là

Restent vissés

Sur leur socle de fer,

Mes beaux chevaux de bois,

Mes doux chevaux à moi…

Comment ça, on ne peut plonger

Dans un dessin au sol,

Dans un tableau de craie,

Et le faire exister ?

Avez-vous déjà essayé ?

Oui ? Eh bien, Monsieur l’Ergoteur,

C’est que ce tableau-là,

Il n’était pas très vrai,

Et pas bien dessiné,

Tracé avec la tête

Et pas avec le cœur.

Comment ça,

Vous n’avez jamais pris

Le thé sous le plafond ?

Mais d’où sortez-vous donc,

Monsieur l’Extra-terrestre ?

Ah, non, ça ne marche pas

Avec le chocolat

La bière ou la vodka.

Car, voyez-vous,

Monsieur le Sceptique,

Il faut du thé,

Du thé de chez Tiffany,

De Rivoli ou de Bombay.

Pas du Lipton,

J’ai dit : du thé !

Et si malgré cela,

Vous n’atteignez jamais

Le lustre du plafond,

Eh bien, voyez-vous,

Monsieur le Raisonneur,

Le Scientifique, le Penseur,

C’est simplement alors

Que vous ne savez plus rire.

Eh non, vous ne riez plus

A gorge déployée.

Vous riez raisonné,

Vous riez cynique,

Vous riez sous cape,

Vous riez jaune ou noir,

Vous riez Dalton,

Vous riez désabusé,

Vous riez au nez,

Vous pincez le nez,

Vous pincez sans rire,

Mais vous ne riez pas.

Na !

Comment ça,

Des pingouins mignons,

Garçons de café de leur état,

Stylés, élégants, discrets, attentionnés,

Enjoués, guillerets, raffinés,

Dans un jardin anglais,

Sous une tonnelle fleurie,

Petit coin de paradis,

Loin du monde et de ses travers,

Loin du monde qui va de travers,

Loin du monde qui pense de travers,

Comment ça, comment ça,

Ce seraient des dessins animés ?

De vulgaires cartoons ?

Et vous osez proférer,

En me regardant dans les yeux,

De telles énormités ?

Rougissez, pauvre homme,

Rougissez !

Parce que vous croyez donc

Que tous ces moribonds

Déambulant dans les rues grises,

Accrochés à leur téléphone,

Et s’engouffrant dans le métro,

Ou au volant de leur auto,

Abonnés à Télérama,

Et à jour de leur redevance,

Pour y voir la réalité

Que l’on appelle la télé,

Vous croyez vraiment que ces gens

Sont faits de chair, de sang et d’os ?

Non, non, Monsieur, vous divaguez.

Il ne s’agit que d’un navet,

Et qui plus est en noir et blanc,

Qu’on déroule devant vos yeux.

Moi, mes jolis pingouins,

Je les vois sans lunettes,

Voyez-vous, Monsieur le Spectateur ?

Non, vous ne voyez pas.

Vous ne voyez pas mon jardin à moi,

Mon jardin plein de pingouins

De lapins pressés,

De compagnies de lapins bleus,

De Dames de cœur,

D’épouvantails sans cervelle

Mais au grand cœur,

Non, vous ne le voyez pas,

Monsieur de la Société.

Mon jardin anglais,

Mon jardin secret...

Là où l’on ne peut venir

Qu’en rêve,

Là où ne vivent

Que les rêves,

Là où les images sont vraies,

Là où je cache mes mots,

Là où je cache mes vers,

Là où je cache mes rimes,

Là où je cache mes pensées.

Là où l’on parle ma langue,

Mon langage secret,

Celui que je comprends,

Là où les autres mots sont creux.

Là où nul ne peut entrer

Sans y être invité.

Là où j’invite

Ceux qui me sont chers.

Alors, Monsieur le Suborneur,

Mes images,

Mes chevaux de bois,

Mes ramoneurs,

Gardant le rythme

Et la métrique,

Laissez-les moi,

Je vous en prie.

Je n’ai que ça.

Laissez-les moi,

J’vous en supplie.

Car il en va

De ma survie.

Moi, mon jardin,

Il existe bien.

Et mon langage,

Je le comprends

Quand tous les autres

Parlent une langue inconnue,

Respectant des règles étranges,

Accomplissant des rites

Qui me restent étrangers.

Mon langage ne parle pas de guerre,

Il ne parle pas de calculs,

Il ne parle pas de politique,

Il ne parle pas de ballon rond,

Et n’aime pas les jugements.

Du moins je l’espère.

Mon langage parle en images.

Mes images.

Laissez-les moi,

Et ôtez vos pattes de là.

Plongez dans le tableau,

Si vous le voulez.

Mais si vous n’y croyez pas,

Vous ferez un plat,

Vous resterez sur le pas.

Do ré mi fa sol,

Mes vers s’envolent,

Libres ou pas.

Laissez-les moi.

Chantecler

L'humanité souffre.
Depuis qu'il est sur la terre,
L'homme marche au bord du gouffre.
Croire à la lumière,
Moi je veux encore le faire.
Pour tous ceux qui désespèrent,
Je veux chanter clair.

Krystyna Umiastowska

 

Chantecler 2

 

Confinement

 

Ce matin, j'ai entendu

Une fleur dire à l'abeille :

On a quand même fini par le mettre en prison,

L'homme, pour ses conneries ?

 

Krystyna Umiastowska

 

Paquerettes 1

 

Si j'étais chat

 
Petit chat, petit chat, ne montre pas tes griffes !
Tu sais te fair' câlin, te lover, te blottir.
Quand donc cesseras-tu sans cesse de me fuir ?
Oh, tourne donc vers moi ton regard expressif.
 
Tu t'en vas, tu reviens, à ton gré tu t'isoles.
Mais si tu te languis d'un peu d'affection,
Alors tu sais user du don de séduction
Que t'offrit la nature, et mon âme s'envole.
 
Devant ta cruauté, vraiment, c'est trop injuste,
Car pour tout expliquer : "C'est un chat", dit-on juste.
Trois mots pour justifier une vie de matou.
 
Mais, moi qui ne suis pas née félin mais bien femme,
On ne me permet pas ces écarts qu'on condamne.
Je dois harmoniser ma conduite, c'est tout !
 
Krystyna Umiastowska
 
Chaton0
 
 

Dans le métro

 

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Le métro ce matin est bourré à craquer.
La familiarité de ce grand bain de foule,
Parmi les travailleurs formant comme une houle,
M’entraîne dans la rame. Les portes ont fermé...

Et le convoi s’ébranle. Il faut que je me tienne.
Or, voilà devant moi l’épaule d’un voisin,

Et pour ne pas tomber j’y dépose ma main :
La voilà, ma bouée, dans la cellule pleine.

Je croise son regard, l’azur de ses prunelles,
M’éclairant tel un phare de leur lueur trop belle :

Moment d’intimité dans la foule rebelle.

Seuls dans la multitude, nous voici tous les deux
Durant ce court instant et, les yeux dans les yeux,

Nous nous offrons un temps de solitude à deux

Krystyna Umiastowska

 

Giphy 8

 

An nouveau

A l'aube de l'année nouvelle,
Que mon âme se renouvelle.

Laissant derrière moi
L'année qui se déploie
Avec son long cortège
De souvenirs divers,
Lorsque tombe la neige
Et le froid de l'hiver,
Je revois mes misères,
Mes joies et mes douleurs,
Et cette douce paix
Qui habite mon cœur.
Quand janvier paraissait,
Mon âme languissait
Et mon corps s'épuisait ;
Le souffle le quittait.
Alors, je m'effaçais
Et je diminuais.
Pour un peu, je partais !
Mais la vie a repris
Le dessus, et je vis
A présent, et j'écris.
De nymphe au cours des mois
Devenue papillon,
Mon âme se déploie
Selon sa dimension.
Je laisse le vieil homme
S'éteindre avec le feu.
Et si je fais la somme,
Je vaux tellement peu !
Mais j'aime de tout cœur,
Tout éveille l'ardeur
Et la soif de vibrer
A l'unisson des cœurs.
Et je sais que d'aimer
Est la clef du bonheur.

A l'aube de l'année nouvelle,
Que mon âme se renouvelle.

Pour cet an nouveau-né,
Je ne demande pas
Tout ce que je n'ai pas,
Pour mon corps la santé,
Ni la maternité.
Je n'espère pas même
Le bonheur en étrenne.
Car je ne veux qu'aimer,
Toujours me consumer,
Et encore m'embraser.
Le bonheur je ne l'ai
Selon mesure humaine.
Mais cette vie me plaît,
Car de joies elle est pleine.
Et ces petites joies
Forment le vrai bonheur.
La passion vit en moi.
Mon âme est une fleur.
Heureuse je le suis,
Peu d'âmes le comprennent.
Qu'ils fassent le pari,
Qu'ils m'offrent en étrenne
D'être enfin rassurés,
Et je serai comblée.

Krystyna Umiastowska
(2006)

Menu de réveillon

Les escargots s'embêtent,
Ah, oui, les braves bêtes !
Mais voici le saumon
Pour notre réveillon.
Crème de potiron
Pour la joie de Marion,
Et petits champignons,
Carottes et ravioles,
Girolles et scarole,
Viandes en farandole,
Grand plateau de fromage
Et capiteux cépage,
Entremets en étoile
Qui tout à coup s'enflamme.
Le champagne dévoile
Et les cœurs et les âmes,
Car pour fêter l'an neuf
Sous le gui de l'hiver
Dans la joie point de bluff,
Que nul ne soit amer !

Krystyna Umiastowska
 

Réveillon pailleté

Réveillon argenté
En féerie de cristal,
Visages pailletés,
Pour les yeux un régal,
Diamants scintillants,
Epaules dévoilées,
Lumières clignotant
Sur les chaises dorées,
Sourires éclatants
Et regards étoilés
Et l'humour qui pétille,
Et les yeux qui scintillent.
Les nœuds pap', au début
Sérieux comme des papes,
Et puis, le vin venu,
Peu à peu ça dérape.
Et les vestes en tombent,
L'ambiance se déplombe,
Plaisanteries en trombe,
On chante le Sto lat,
Les rouges écarlates
Sur les lèvres éclatent,
Et les rires qui fusent
Sous les lueurs diffuses.
Et lorsque minuit sonne,
C'est la joie qui résonne,
Et le vin qui pétille
Et les regards qui brillent.
Les coupes s'entrechoquent
Et nul baiser ne choque !

Réveillon argenté

Réveillon pailleté

Réveillon argenté
En féerie de cristal,
Visages pailletés,
Pour les yeux un régal,
Diamants scintillants,
Epaules dévoilées,
Lumières clignotant
Sur les chaises dorées,
Sourires éclatants
Et regards étoilés
Et l'humour qui pétille,
Et les yeux qui scintillent.
Les nœuds pap', au début
Sérieux comme des papes,
Et puis, le vin venu,
Peu à peu ça dérape.
Et les vestes en tombent,
L'ambiance se déplombe,
Plaisanteries en trombe,
On chante le Sto lat,
Les rouges écarlates
Sur les lèvres éclatent,
Et les rires qui fusent
Sous les lueurs diffuses.
Et lorsque minuit sonne,
C'est la joie qui résonne,
Et le vin qui pétille
Et les regards qui brillent.
Les coupes s'entrechoquent
Et nul baiser ne choque !

En féerie de cristal,
Visages pailletés,
Pour les yeux un régal,
Diamants scintillants,
Epaules dévoilées,
Lumières clignotant
Sur les chaises dorées,
Sourires éclatants
Et regards étoilés
Et l'humour qui pétille,
Et les yeux qui scintillent.
Les nœuds pap', au début
Sérieux comme des papes,
Et puis, le vin venu,
Peu à peu ça dérape.
Et les vestes en tombent,
L'ambiance se déplombe,
Plaisanteries en trombe,
On chante le Sto lat,
Les rouges écarlates
Sur les lèvres éclatent,
Et les rires qui fusent
Sous les lueurs diffuses.
Et lorsque minuit sonne,
C'est la joie qui résonne,
Et le vin qui pétille
Et les regards qui brillent.
Les coupes s'entrechoquent
Et nul baiser ne choque !

Krystyna Umiastowska

 

Voleedebaisers

Nouvel an


Nouvel An en attente,
Au long des heures lentes,
L'année suspend son souffle.
Quand les regrets s'engouffrent,
S'en viennent les flocons,
Recouvrant nos balcons.
Et voilà qu'au matin,
Blancheur éblouissante
Qui dévale les pentes,
Qui recouvre les sentes,
Emportant nos tourments.
Comme en un bel écrin,
Le ciel sur ce coussin
Se pose, plein d'espoir,
Et dissipe le noir.
Janvier arrive enfin,
Plein d'allant, plein d'élan.
La tristesse prend fin,
L'avenir nous attend.
Et sur les verts sapins
Du petit patelin,
Un oiseau a chanté
De son timbre flûté,
Déflorant le silence
De la nature immense,
En sa virginité.
Honorant les absences,
Saluant les présences.
Mais sur le blanc vélin,
La plume hésite encore,
C'est un nouveau cahier,
Une nouvelle année.

Krystyna Umiastowska

 

Le focon de neige

Si, si. J'ai vu le flocon. Je l'ai vu par la fenêtre. Ma voisine de balcon aussi m'a dit qu'elle l'a vu. J'ai appelé mon copain journaliste mais quand il est arrivé le flocon avait déjà été absorbé par le bitume du trottoir. 

N'empêche que d'autres l'ont vu, ce flocon, car la radio annonçait au même moment : tempête de neige sur Paris, la capitale est isolée. Des photos du flocon ont éclot un peu partout sur facebook. Chacun y allait de sa photo du flocon. 

Les trains ont cessé de circuler, afin d'assurer la sécurité des voyageurs. Un témoignage poignant au journal de 20 heures, d'un passager en attente sur le quai : 

"J'ai raté mon premier entretien d'embauche en 18 mois de chômage. Du coup, Pôle Emploi va considérer que j'ai refusé le poste et va me rayer de sa liste. Mais c'est bien, comme ça ça va faire baisser le chômage. Ensuite je devais me rendre à l'enterrement de mon frère, mais là c'est trop tard. De toute façon il n'y aurait eu personne vu que ma mère a Alzheimer et a déjà oublié qu'il est mort. Ensuite j'avais rendez-vous pour une IRM attendue depuis 6 mois pour savoir si j'ai une tumeur au cerveau. C'est trop tard aussi mais au moins je ne vais pas creuser le déficit de la sécu... juste ma tombe. Après je devais voir mon fils que je n'ai pas vu depuis ses 10 mois car il m'avait été enlevé par sa mère qui voulait pouvoir le cogner en paix. Il voulait me voir pour ses 18 ans. Tant pis, j'espère que ce sera pour une autre fois. De toute façon, je trouve qu'en cette période d'état d'urgence, on ne doit pas la ramener avec ses petits problèmes perso. Il faut être solidaire. Surtout le jour où un flocon tombe sur Paris." 

J'en ai eu les larmes tellement c'est beau, cette abnégation. Tout le monde devrait en prendre de la graine.

Madame Hidalgo a annoncé que seuls les véhicules bloqués dans les embouteillages pourraient encore circuler, c'est-à-dire à peu près tous les véhicules parisiens sauf ceux qui avaient déjà réussi à se stationner (ceux-ci furent d'ailleurs verbalisés car ils empêchaient le chasse-neige de passer). Bon, cela n'a duré que quelques secondes, la chute de ce flocon, mais on peut dire que la France a eu chaud. J'en tremble encore…

Krystyna Umiastowska

La mort du poète

Etienne carjat portrait of arthur rimbaud aged 17 1871 meisterdrucke 385177

"L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière."
(Arthr Rimbaud)
"


L'âme du poète errait, ne trouvant le repos. Longtemps, il avait cheminé sur cette route, le pas lourd. Il revoyait sa vie terrestre. Il se souvenait de l'ardeur de ses seize ans, et son pas se faisait plus lourd. Il se souvenait lorsque, léger, il s'en allait "les poings dans ses poches crevées". Oh, là, là ! Que d'espoirs pour l'avenir, que de désirs il avait alors ! Il aimait à répéter, dans l’ardeur de sa jeunesse qui voulait conquérir l’univers :

 Le monde est très grand et plein de contrées magnifiques que l'existence de mille hommes ne suffirait pas à visiter.

Puis, s'étant heurté à un monde épuisé, désabusé, il avait passé les autres saisons de sa vie en enfer. Il était devenu une sorte d'aventurier sans foi ni loi. Ayant tout dit trop tôt, tout vécu trop tôt, tout obtenu trop tôt, tout compris trop tôt, alors que son corps était encore celui d'un enfant, il avait fui ! Il avait tout fui ! Pour vivre une vie de misérable. Il avait fait le deuil de sa lucidité de visionnaire. Il s'était éteint à l'hôpital de la Conception, à Marseille, à l'âge de 37 ans. Il se souvenait de ses douleurs physiques d’alors.

Ah ! les poumons brûlent, les tempes grondent ! la nuit roule dans mes yeux, par ce soleil. Le cœur… les membres…

Son âme avait alors quitté son corps qui, lui, avait fini de souffrir. Que valait-il mieux ? Ces douleurs,  ou la souffrance morale dans laquelle il se trouvait à présent ? Il s'était retrouvé sur cette route, à un carrefour, ne sachant trop quelle direction prendre. Il s’était dit à lui-même :

Tu ne sais où tu vas, ni pourquoi tu va.

Un vers qu'il avait écrit sur terre lui revint en mémoire : "J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal". Il s'était mis à marcher, suivant cette drôle de petite étoile qui, il le savait maintenant, ne l'avait jamais quitté. A mesure qu'il marchait, sa vie avait défilé. Il pensait :

Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.

Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l'ai trouvée amère. – Et je l'ai injuriée.

Je me suis armé contre la justice.

Je me suis enfui. O sorcières, ô misère, ô haine, c'est à vous que mon trésor a été confié !

Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce.

J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie.

Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot.

Or, tout dernièrement m'étant trouvé sur le point de faire le dernier couac ! j'ai songé à rechercher la clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.

La charité est cette cle.

 La charité…  envers qui ? Il était seul, sur cette route… Seul ? Mais quelles étaient ces formes mouvantes ? Il essayait de leur parler, mais n'y parvenait pas. Découragé, il s'assit sur le bord de la route. Voilà où il en était.

Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d'un mur rougi par le soleil

Où étaient donc "ces bons soirs de septembre où [il] sentait des gouttes de rosée sur son front comme un vin de vigueur" ?  Il avait mal aux pieds, il voulut ôter ses souliers. Mais il n’avait pas de souliers. Il n’avait plus de corps. Il se souvint de la foi de son enfance, dont il avait gardé toujours le souvenir et les élans, suivis hélas de retombées. Il se lamenta :

Pourquoi le Christ ne m'aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté…[…] J'attends Dieu avec gourmandise… […] De profundis, Domine, suis-je bête !

 Sur terre, un jeune garçon lisait dans son lit de la poésie. Il lisait Ma Bohème.. Il pleura. Le poète, ne pouvant plus pleurer, gémissait :

Ah ! l'enfance, l'herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze…

 La cloche sonna douze. L’enfant lisait toujours. Que c'est beau, mon Dieu ! Il pleura. On lui avait raconté la vie du poète le matin à l'école. Il pleura. Quel gâchis, que cette vie ! Il pleura. De gros sanglots, irrésistibles. Comme un violent orage. Il pleuvait dans son cœur comme il pleurait sur la ville. L'eau coulait dans la gouttière.

Le poète était toujours assis, "un pied contre son cœur". Il pleurait. Il pleurait en l'enfant. Lui qui n'avait plus de souliers à ôter pour soulager ses pieds, plus de pieds à soulager, plus de larmes pour pleurer, il pleurait en l'enfant. Il pleurait par l'enfant. Son âme en lambeaux dégoulinait par les yeux de l'enfant, tandis que la pluie baignait les carreaux d'un chagrin bienfaisant. La pluie lavait son cœur et purifiait le ciel. L'orage peu à peu s'apaisa au fond de lui. La joie timide encore perça en un arc-en-ciel, nectar au goût de miel qui envahit son cœur. Il osa penser :

Vais-je être enlevé comme un enfant, pour jouer au paradis dans l'oubli de tout le malheur !

 Le livre échappa alors des mains de l'enfant, qui s'endormit, paisible. Le Ciel s’ouvrit. Les anges apparurent, unissant leurs voix en un chœur merveilleux qui transportait l’âme. Jamais aucune voix humaine, fût-ce celle d’un jeune garçon, n’aurait pu égaler cette pureté de timbre. Tout chant humain, jusqu’au plus épuré, semblait dissonant à côté de cela. Une paix immense envahit le cœur du poète. Et dans cette paix, il sentit une présence. Une chaude et enveloppante présence. Et c’était plus qu’une présence, il se sentit comme immergé dans cet Etre, car c’était bien un Etre, distinct de lui. Le poète entra dans la lumière.

Krystyna Umiastowska

 

Entre-Deux

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Entre deux mers,
Entre deux terres,
De l'océan
Jusqu'à la mer,
Et de la mer
Jusques au ciel,
Depuis les monts,
Jusqu'à la berge,
Fonds sous-marins
Ou toit du monde.

Dans les nuées
Ou sur l'écume,
Tour d'horizon
Derrière la brume,
Rivage ardent,
Dessous la lune,
Lande endorme
Sous les embruns.

Phare au soleil,
Jette un regard,
Jetée au loin,
Cligne de l'oeil,
Pont scintillant
Sur mes yeux pers.
Plage assoupie,
De soie sertie,

Hermétique,
Tellurique,
Dramatique
Ou pacifique,
Mirifique,
Magnifique,

Jade ou jaspe,
Aigue-marine,
Outremer
Ou bien saphir,
Bleu de prusse,
Ou de cobalt
Ceruleum
Et outremer.
L'ami soleil
Paillette d'or
L'onde de sable,
L'onde de mer.

Sable et vent
Ciel et mer
Miroitant.
Mer et ciel
Appareillent.

Le vent me prend,
La mer me tend
Ses mains.
J'entends
L'appel au loin
Et les zéphyrs
Frisent mes mèches
Troussent ma jupe.

Foin des regrets,
Avance au large.
En errance,
Désamour,
En partance
Pour l'amour.
V'là le sac,
Oui, je craque
Le ressac
Prend mon trac
Chagrin d'amour,

Dure toujours,
Bonheur du jour,
Me fait la cour.
La vie est là,
J'ouvre mes bras.

Krystyna Umiastowska

 

Péripéties hospitalières

Je poireautais à l’hôpital
Et vraiment je me sentais mal.
Mon ventre depuis le matin
Fut rarement aussi peu plein.


On m’annonce des brancardiers
Qui ne veulent pas arriver.
La colère me monte au nez,
D’épuisement je vais pleurer.


Je ne veux pas d’une ambulance ;
J’ai encor’ mes deux pieds, je pense.
Et puis, c’est sûr, j’y s’rai malade :
J’en suis arrivée à ce stade !


Par deux fois le tour du cadran
De l’aiguill’ fut le chemin’ment.
— J’pars en métro, dis-je à l’hosto.
— C’est pas légal, c’est pas banal.
S’évanouir à l’hôpital,
Ça se fait, c’est notre boulot.
Oui, vous pouvez agoniser,
D’inanition pouvez tomber,
Sous nos doux yeux désabusés.
Mais un malais’ dans le métro,
Ça sort de nos attributions.


Bla, bla... leurs élucubrations
Viennent à bout de ma patience.
Je prends mes jambes à mon cou
Et dans les couloirs je m’élance.


Je sors, je mange un petit bout,
Et je saute dans une rame.
Coincée entre les seins des femmes
Et les fesses de ces messieurs,
Je me dis : c’est quand même mieux
Que les seringues et les sondes !
Enfin, je vis dans notre monde !
Je me sens un peu moins malade,
Ça vaut la petite balade !

En quelques stations enlevées,
Me voilà donc rapatriée
De l’épouvantable Bichat
À Saint-Louis. Sans tralala,
Je me faufile, pas un chat !
Et les zélés brancardiers
N’en étaient pas encor’ partis !

Six heures sonnent, c’est le soir.
Mon ventre était au désespoir !

L’on m’apporte mon déjeuner ;
Aussitôt la bouchée finie,
Je vois arriver mon dîner !
Et là, vous comprenez, je ris !


L’infirmier, très fâché, me dit :
— J’ai consigné dans le cahier,
Vos stupides péripéties.
Le chef en sera informé.
Vous êtes rentrée en taxi !


— Et si vous me mettiez au trou ?
Maintenant, veuillez me laisser,
Au bistro, je vais boire un coup !
J’ai besoin de me retaper :
Manométrie, fibroscopie,
Pneumologie, cardiologie,
Biochimie, sérologie,
Radiographie et biopsie,
Place de Clichy ou Saint-Denis,
Galliéni, ah, quel fouillis !


Le temps de sauter de mon lit,
Je m’étais déjà endormie !...

Krystyna Umiastowska
(2006)

 

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Les brumes de novembre

 

Pyrenees

Brouillard duveteux
Un souffle m’effraie
Regard cotonneux
Une ombre se fraie

Quelques pas feutrés
A travers les bois
Quel est ce hasard
Perçant le blizzard ?

Serait-ce une muse
Présence diffuse
Ou bien un esprit
Errant par ici ?

Sors-tu des abîmes
Cachés de mon cœur
Ou viens-tu des cimes
Du séjour des morts ?

Parle, que veux-tu
En ce matin sombre
Toi qui es venu
Défiant les ombres ?

Je suis aux abois
Ecoutant ta voix
En ce jour brumeux
Calme et silencieux.

Temps de la Toussaint
En ce mois feutré
Marquant le déclin
Secret de l’année.

Toi qui t’es éteint
En ces jours derniers
Pourquoi ce retour
A pas de velours ?

Cherches-tu les cieux ouverts
Encore lumineux hier ?
Trouveras-tu le repos
Qui te fut promis là-haut ?

J’écoute tes pleurs
Et j’ouvre mon cœur,
Je sens ta douleur
Et je n’ai plus peur.

Pourquoi jusqu’à moi
T’ont mené tes pas ?
Moi qui n’ai que mes larmes
Qui n’ai d’autres armes

Je t'ai guidé
Tu m’as quittée

Comme apaisé
Et délivré.

Pouvoir des yeux
Encore mouillés
Pleurant pour tous
Les enterrés.

Toi qui n’es plus
Qu’une âme nue
Repose en paix,
Ami discret.

Je reste ici
Vivre ma vie.

 

Dona eis requiem sempiternam.

Krystyna Umiastowska

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Adieu, l'Ami !

Jerome

(Sur l’air de Renaud, « Baltique »)

La méd’cine l’a condamné
Jérôme va bientôt nous quitter.
Et sa mère à son chevet
Doucement va le veiller.
Un jour prochain, je sais bien,
Jérôme retrouvera les siens :
Son père, son frère l’attendront
Quelque part dans l’immensité.
Et pourtant cet abandon
Laissera sa mère éplorée.
Je pourrai lui ouvrir mes bras
Mais non empêcher le trépas.
Demain, dans le jardin voisin,
Nous restera le chagrin.
Gavroche, oui, mon chien, tu le sais,
Jérôme va bientôt nous quitter.
Et  restera endeuillé
Ton bon cœur qui ne sait qu’aimer.
Un jour pourtant, je sais bien,
Jérôme retrouvera son chien.
Ce soir, je laisse saigner
Mon cœur qui le veille en secret.
Je n’ai que ça à donner,
Je le donne volontiers.

Krystyna Umiastowska
(2016)

 

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